21 janvier 2017

Les huit hommes plus riches que la moitié la plus pauvre de la population mondiale


Même dans les « pays riches », de plus en plus de gens « refusent de continuer de tolérer le statu quo ».

Alors que les élites du monde se rendent à Davos pour se côtoyer à l’occasion du Forum économique mondial, Oxfam vient de publier un rapport introduit ainsi :

Ce rapport détaillera la manière dont les grosses entreprises et les super-riches alimentent la crise d’inégalité en ne payant pas les impôts qu’ils doivent, en influençant les salaires à la baisse et en usant de leur pouvoir pour influencer la politique. La manière dont nous gérons l’économie nécessite des changements fondamentaux afin que le système puisse fonctionner pour tous, et non pas seulement pour un petit groupe de privilégiés.

Le rapport Oxfam de l’année dernière stipulait que 62 personnes possédaient autant de richesses que la moitié la plus pauvre de la population du monde. Mais cette année, plus de données sont devenues disponibles. Si elles l’avaient été en 2015, nous aurions pu voir que neuf personnes possédaient autant que la moitié la plus pauvre de la population du monde. Aujourd’hui, ils ne sont plus que huit :

  • Bill Gates
  • Amancio Ortega
  • Warren Buffett
  • Carlos Slim
  • Jeff Bezos
  • Mark Zuckerberg
  • Larry Ellison
  • Michael Bloomberg.

Voici ce qu’indique le rapport ensuite :

Il est obscène que tant de capital se concentre entre les mains de si peu, à une heure où une personne sur dix doit survivre avec moins de deux dollars par jour. L’inégalité condamne des millions de personnes à une vie de pauvreté ; elle fracture nos sociétés et mine la démocratie.

Au travers de la planète, des gens se retrouvent laissés pour compte. Leurs salaires stagnent, et pourtant, les directeurs de corporations empochent des millions de dollars de bonus. Leurs services de santé et d’éducation se détériorent alors que les super-riches ne paient pas leurs impôts. Leurs voix sont ignorées alors que les gouvernements chantent au diapason des grosses entreprises et des élites.

Comme vous pourrez le voir à la page 48 du rapport (PDF), Oxfam se penche sur les inégalités et sur leurs causes. Il y a quatre ans, selon le rapport, le Forum économique mondial a identifié la hausse des inégalités économiques comme l’une des plus grandes menaces pour la stabilité, et l’élite globale a poussé un soupir moralisateur commun et promis de remédier au problème. Et pourtant, depuis lors, « l’écart entre les riches et tous les autres s’est encore élargi ».

Voici les grandes lignes du rapport :

Depuis 2015, les 1% les plus riches de la planète ont possédé plus de richesses que le reste du monde.
Huit hommes détiennent aujourd’hui autant de richesses que la moitié la plus pauvre de la population du monde.
Au cours de ces vingt prochaines années, 500 personnes laisseront plus de 2,1 trillions de dollars à leurs héritiers – une somme plus importante que le PIB de l’Inde, un pays d’1,3 milliard d’habitants.
Les revenus des 10% les plus pauvres ont gagné moins de 3% par an entre 1988 et 2011, alors que ceux des 1% les plus riches ont gagné 182 fois plus.
Aux Etats-Unis, les récentes recherches de l’économiste Thomas Piketty montrent qu’au cours de ces trente dernières années, la croissance des revenus de la moitié la plus pauvre a été de zéro, alors que celle des revenus des 1% les plus riches a été de 300%.

Même dans les « pays riches », les inégalités sont la cause de beaucoup de frustrations, et de plus en plus de gens « refusent de continuer de tolérer le statu quo ». Et pourquoi le devraient-ils, lorsque l’expérience suggère que tout ce qu’il apporte est une stagnation des salaires, une insécurité de l’emploi et un écart croissant entre ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien ?

Oxfam a déterminé sept causes des inégalités.

1. Les corporations, au service de ceux qui se trouvent au sommet de la société

Ensemble, les dix plus grosses corporations du monde ont des revenus plus importants que les revenus gouvernementaux de 180 pays combinés.

Les entreprises sont l’élément vital d’une économie de marché (et ont un important rôle à jouer). Afin de livrer des rendements à ceux qui se trouvent au sommet, les corporations doivent prendre toujours plus à leurs employés et à leurs producteurs – et afin d’éviter de verser des impôts qui bénéficieraient à tous, notamment aux plus pauvres.

2. Les employés et les producteurs sont écrasés

Alors que de nombreux directeurs, souvent rémunérés en actions, voient leurs revenus flamber, les salaires des employés et producteurs ordinaires sont en stagnation, et vont parfois jusqu’à décliner.

Partout dans le monde, les corporations écrasent le coût du travail – et s’assurent à ce que les employés et les producteurs de leur chaîne de production obtiennent une part de plus en plus petite du gâteau économique. En conséquence, l’inégalité augmente et la demande se retrouve supprimée.

3. Les évasions fiscales

Les corporations augmentent leurs profits en partie en payant aussi peu d’impôts que possible. Elles le font en ayant recours aux paradis fiscaux ou en forçant les pays à entrer en compétition pour leur offrir des exemptions fiscales ou des taux moindres. Les taxes d’entreprise sont en déclin tout autour du monde, ce qui assure – avec les évasions fiscales – le déclin des recettes fiscales en provenance des corporations.

Pourquoi les corporations adoptent-elles un tel comportement ? Deux raisons : elles se concentrent sur les revenus de court terme de leurs actionnaires, et le capitalisme de copinage se propage.

4. Un capitalisme lourdement favorable aux actionnaires

Maximiser les rendements des actionnaires ne signifie pas seulement maximiser les profits de court terme, mais aussi verser une part toujours plus importante de ces profits à ceux qui possèdent les corporations. Au Royaume-Uni, 10% des profits ont été rendus aux actionnaires en 1970. Ce pourcentage s’élève aujourd’hui à 70% - une situation que beaucoup ont critiquée, notamment Larry Fink, directeur de Blackrock, et Andrew Haldane, économiste en chef à la Banque d’Angleterre.

Les rendements accrus versés aux actionnaires fonctionnent pour les riches, parce qu’une majorité des actionnaires appartiennent au sommet de la société. Ainsi, les inégalités se développent.

Chaque dollar de profit versé aux actionnaires des corporations est un dollar qui aurait pu être dépensé pour rémunérer des producteurs ou des travailleurs, pour verser des impôts, ou pour financer infrastructures et innovations.

5. Le capitalisme de copinage

Les corporations de nombreux secteurs – finance, industries extractives, prêt-à-porter, médicaments, et autres – ont recours à leur pouvoir et à leur influence pour s’assurer à ce que les régulations et les politiques internationales soient établies de manière à favoriser leur profitabilité.

Même le secteur technologique, autrefois perçu comme un secteur relativement honnête, est de plus en plus lié à des accusations de copinage. Alphabet, la société parente de Google, est devenue l’un des plus gros lobbyistes de Washington, et est constamment en négociations avec l’Europe au regard de ses régulations fiscales et anti-trust.

Le capitalisme de copinage bénéficie aux riches, à ceux qui possèdent et gouvernent ces corporations, aux dépends du bien commun et du combat contre la pauvreté. Cela signifie que les plus petites entreprises ne parviennent plus à rivaliser avec les plus grosses, et que les gens ordinaires paient toujours plus pour leurs biens et services en raison du pouvoir de monopole des corporations et de leurs connexions avec les gouvernements.

6. Le rôle des super-riches dans la crise de l’inégalité

Les 1.810 milliardaires cités dans la liste Forbes 2016, dont 89% sont des hommes, possèdent ensemble 6,5 trillions de dollars – autant que les 70% les moins riches de l’humanité. Alors que certains doivent majoritairement leur fortune à leur dur labeur et à leur talent, l’analyse d’Oxfam explique qu’un tiers du capital des milliardaires du monde est dérivé d’héritages, alors que 43% sont dérivés du copinage.

Une fois qu’une fortune est accumulée ou acquise, elle développe sa propre dynamique. Les super-riches ont de l’argent à dépenser en conseils d’investissement, et le capital possédé par les super-riches a augmenté en moyenne de 11% par an depuis 2009. C’est un taux d’accumulation bien supérieur à ce que les épargnants ordinaires parviennent à obtenir.

Que ce soit au travers de fonds de couverture ou d’entrepôts remplis de vins et de voitures anciennes, l’industrie de la gestion de capital est parvenue à accroître la prospérité des super-riches.

Mais ces super-riches ne sont pas les simples receveurs d’une concentration croissante de capital. Ils ne cessent jamais de la perpétuer.

7. L’évasion fiscale et l’achat de politiciens

Verser aussi peu d’impôts que possible est une stratégie clé pour beaucoup de super-riches. Pour y parvenir, ils ont activement recours au réseau global de paradis fiscaux, comme ont pu nous l’apprendre les Panama Papers et autres récents exposés. Les pays sont en compétition pour attirer les super-riches sur leur territoire, et n’hésitent pas à vendre leur souveraineté pour y parvenir. Les super-riches exilés disposent d’un vaste choix de destinations à l’échelle du monde (et 7,6 trillions de dollars de capital sont supposément dissimulés dans des paradis fiscaux).

A elle seule, l’Afrique perd 14 milliards de recettes fiscales en raison du recours des super-riches aux paradis fiscaux – selon Oxfam, cette somme suffirait à financer les services de santé susceptibles de sauver la vie de 4 millions de personnes, et à employer suffisamment d’instituteurs pour envoyer chaque enfant africain à l’école.

Beaucoup des super-riches utilisent aussi leur pouvoir, leur influence et leurs connexions pour capturer la sphère politique et s’assurer à ce que les lois soient rédigées en leur faveur. Les milliardaires brésiliens font pression sur le gouvernement pour que leurs impôts soient réduits. Ceux de Sao Paulo préfèrent se rendre au travail en hélicoptère pour éviter les bouchons et les infrastructures en perdition sous leurs pieds.

Certains super-riches ont aussi recours à leurs fortunes pour obtenir les résultats politiques qu’ils souhaitent et influencer les élections et les politiques publiques.

Ces interventions actives des super-riches et de leurs représentants sur la sphère politique créent toujours plus d’inégalités en générant des « boucles de rétroaction » qui voient les gagnants de ce jeu acquérir toujours plus de ressources, qui leur permettront d’en gagner encore plus la prochaine fois.

Ce compte-rendu écrasant des maux dont souffre le tissu économique et social du monde a été publié alors même que les sujets du rapport se rendaient à Davos.

Mais le rapport manque de mentionner l’un des coupables majeurs : les banques centrales. Oxfam en a-t-elle trop peur ? Les banques centrales ne sont pas mentionnées une seule fois dans le dossier, ni la Réserve fédérale, ni la BCE, pas même en passant. Et pourtant, elles sont les plus grandes responsables des inégalités des revenus et de capital sur lesquelles se penche le rapport, avec notamment leurs efforts très vocaux d’alimenter l’inflation rampante aux dépens de tous les individus mentionnés par Oxfam, y compris les « épargnants ». Cette omission, compte tenu de sa magnitude, ne peut pas possiblement n’être qu’un simple oubli.

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